Aragon - Le monastère de San Juan de la Peña.

Situé sur les contreforts de la sierra Peña, à mille deux cents mètres d'altitude le monastère de San Juan de la Peña se dévoile brutalement au détour d'un virage. Dissimulée par une dense végétation, la bâtisse apparaît aux yeux des visiteurs, nichée dans un coin perdu des Pyrénées, à l'abri d'un immense rocher aux teintes ocre.

Fondé aux alentours de l'an neuf cents dans ce coin reculé des Pyrénées, à une époque de domination maure, il symbolise le maintien de la foi chrétienne en Aragon. Le site sera choisi pour accueillir les dépouilles des rois et des nobles, servant de panthéon aux illustres fondateurs de la monarchie aragonaise.

San Juan de la Peña.

La route vertigineuse route gravissant la sierra Peña offre de somptueuses vues sur la chaîne des Pyrénées.

En 1675 un violent incendie qui durera trois jour endommagera de façon irrémediable le monastère bas. Suite à ce drame il fût décidé qu'un second lieu de culte serait construit. La grande prairie située sur plaine de saint Indalecio, juste au dessus du rocher abritant l'ancien monastère fût choisie.

La route relliant les deux sites étant étroite, la billeterie est située dans la partie haute qui dispose d'un immense parking. Il y a aussi un mini-bus qui assure gratuitement la liason entre les deux bâtiments. Lors de notre passage, nous trouverons des places justes à proximité du vieux monastère.

Le flamboyant nouveau monastère.

C'est en fin de matinée (heure française) que nous abordons la visite de l'ancien monastère. Contrairement au nouveau, il est situé en contrebas d'une falaise, peu exposé à la chaleur du soleil l'endroit est frais et les vestes ne sont pas de trop. Très peu de visiteurs sont présent ce qui devrait rendre la visite plus agréable.

San Juan de la Peña.

Nous passons donc la massive porte d'entrée, descendons quelques marches pour gagner le dortoir des moines. Des piliers en forme de croix supportent des arcs de type roman. En fusion avec la paroi la pierre patinée du bâtiment millénaire offre une atmosphère d'apaisement. Dans un recoin, une source alimente directement la pièce en eau. 

Le dortoir des moines.

Nous traversons la salle pour gagner l'église mozarabe. Bâtie avant l'an mille, cette partie et la plus ancienne du monastère. Au pied des escaliers sont enterrés cinq abbés ayant vécu dans le monastère. Afin de supporter la partie superieure de l'édifice la salle a été agrandie par deux nefs accolées séparées par des arcs. 

L'église mozarabe.

Dans le fond, deux absides on été taillées dans la roche. On peut y découvrir des peintures romanes du XIIe siècles ou les saints Cosme et Damian subissent l'épreuve du feu. On peut y observer les bourreaux activant les flammes pendant que les suppliciés contemplent les anges qui se trouvent dans les cieux. Une scène de vie troublante mettant en scène la force de la foi. L'endroit intime est chargé d'émotion.

La partie primitive du site.

Afin de poursuivre la visite, nous revenons sur nos et gravissons quelques marches pour gagner le premier étage. Cette pièce à ciel ouvert est nommée Le Panthéon des nobles de Navarre et d'Aragon. Sur l'un des murs du patio se trouvent deux rangées de tombes aux multiples décorations : blason, croix, chrisme. Séparées par des arcs elles abritent les dépouilles de personnages illustres ayant appartenu à la noblesse aragonaise. Quelques plaques nécrologiques complète la scène.

Le panthéon des nobles.

Derrière nous un passage nous conduit vers La nécropole médiévale. Dans cette partie du monastère nous découvrons les tombes des trois premiers rois d'Aragon, leurs épouses et leurs enfants. Les cercueils de pierre étaient encastrés dans la roche. Des photos représentent des objets à proximité des dépouilles dont notamment des dés à jouer. Dans un autre coin de la salle on trouve un four à pain utilisé par les moines.

La nécropole médiévale ou reposerait Ramire Ier, premier monarque d'Aragon.

Ramire Ier d'Aragon.

Ramire Ier d'Aragon est né en l'an 1006 ou 1007. Il est considéré comme étant le premier roi d'Aragon de Ribagorce et de Sobrarbe. Cet homme habile et avisé voua son existence à l'agrandissement de son royaume, devenant un des personnages les plus influents de son époque. Il contribuera à créer l'identité aragonaise.

Alors qu'il cherchait enfin à étendre ses possessions vers le sud il entra en conflit avec le roi de taïfa de Saragosse, Al-Muqtadir. Ramire Ier mourut en 1063 devant la place forte de Graus lors du siège qu'il avait dressé devant la cité. Il fût enterré dans le monastère de San Juan de la Peña.

Nous retraversons le panthéon pour rallier l'église romane. Construite au-dessus de l'église mozarabe, elle se compose d'une nef et de trois absides. La roche voisine fait office de voute.

Quelques vues sur l'église romane.

Situé sur le mur gauche de l'église, un hublot permet de visionner le Panthéon Royal. Réalisé par Carlos III au 18eme siècle le Panthéon à la riche décoration contraste avec la simplicité du reste des lieux. Des stucs brillamment ouvragés représentent des passages de l'histoire d'Aragon, des statues et des dorures donnent beaucoup d'éclat à cette pièce. Durant cinq siècles les souverains de Navarre et d'Aragon y seront inhumés.

Nous quittons l'église au travers d'une porte mozarabe "récupérée" dans la chapelle primitive. Nous débouchons sur une esplanade contenant diverses curiosités. Sur notre gauche, la chapelle de Saint Vicorian ou Panthéons des abbés. Elle aurait servi de lieu de sépulture à différents abbés. Son style gothique flamboyant est remarquable. Ses archivoltes en décorés de divers types de feuillages et d'animaux, semblant être de la dentelle finement brodée. 

La chapelle de Saint Vicorian.

Quelques détails.

La chapelle des saints Voto et Felix. Située au bout de l'esplanade cette chapelle est dédiée aux "fondateurs" du monastère. De style renaissance et baroque à l'intérieur nous pouvons contempler un tableau évoquant la légende de la formation du monastère.

La légende de la fondation.

Felix et Voto sont deux frères ayant vécurent au début du VIIIe siècle. De famille noble, Ils vivaient à Saragosse et suivaient les préceptes de la chrétienté.

Un jour, Voto participait à une partie de chasse dans le piémont des Pyrenées. L'endroit giboyeux est fortement boisé et ses sentiers sont escarpés. Soudain Voto aperçoit un cerf à quelques dizaines de mètres. L'homme prend l'animal en chasse et se lance à grand galop sa poursuite. Le cervidé poussé par la peur fuit de toutes ses forces mais la distance qui sépare le chasseur de sa proie se réduit. Voto saisit sa lance, règle la mire, ajuste...lorsque le cerf disparaît soudainement...Quelques fractions de seconde plus tard le cavalier et sa monture chutent à leur tour d'une falaise masquée par la végétation.

Alors qu'il voyait sa fin approcher il se mit alors à prier Saint Jean. Sa vitesse diminua et il finit par se poser délicatement sur un rocher. Son regard fut attiré par une grotte, l'homme s'avança dans la pénombre. Ses yeux finirent par s'habituer et il pouvait distinguer maintenant l'univers qui l'entourait. Il découvrit le corps sans vie de l'ermite san Juan de Atarés. La tête appuyée contre une pierre il tenait dans sa main une lettre contenant ses mots :

" Ego Ioannes. Primus. En hoc loco, heremita, Qui ab amorem Dei, hac fabricavi Ecclesiam, in honorem Sancti Ioannis Baptiste.Hic, requiesco, Amen."

Transformé par son salut miraculeux et sa découverte il rendra pressement à Saragosse. Il raconta son aventure à son frère qui fut à son tour bouleversé par le récit. La fratrie décida d'abandonner ses possessions terrestres aux pauvres pour aller vivre à leur tour en ermites dans la grotte. Leurs conditions de vie étaient difficiles mais ils virent bientôt arriver des disciples qui finirent par former une communauté. En l'an 717, les guerriers chrétiens et les moines nommèrent au couer du monastère Garci Ximenez comme premier roi de Sobarbe.

Les deux frères moururent tous les deux en 754, ce fait a coïncidé avec le déclin d'une grande lumière venant du ciel. Ils ont été enterrés aux côtés de Juan Atares, près d'une grotte d'ermite, à l'endroit même où sera construit monastère de San Juan de la Peña. Cet endroit devint alors le symbole de la resurgence aragonaise.

Un temple consacré à San Felix et San Voto.

Une autre des particularités du monastère est constituée par son cloître. Construit aux XIIe et XIIIe siecle, il posséde la singularité d'etre situé en contrebas du gigantesque rocher. Tous les chapiteaux seraient des originaux, retraçant des scènes de la genèse, de l'enfance et de la vie du Christ. Les chapiteaux ayant une fonction didactique, permettant aux illettrés de découvrir la bible. On peut y voir deux rois mages suivant l'étoile, les noces Cana ou l'eau est changée en vin ou encore la dernière Cène.

Contre la roche, l'eau s'écoule d'une fontaine à la forme humanoide, permettant à quelques végétaux de mener une existence paisible.

Le cloître.

Des chapiteaux presque millénaires.

Le patio du Panthéon des nobles permet d'accéder à un  musée qui retrace l'histoire du monastère et de ses environs.

Le musée.

Vue d'ensemble.

La balade se termine après environ trois heures de visites riches en découvertes. La singularité géographique du monastère et son très riche patrimoine culturel en font une visite fort agréable, nous permettant de retrouver l'espace d'un instant des émotions semblables à celles vécues par nos pairs il y a plus de mille ans.

Le monastère de San Juan de la Pena est donc une visite incontournable qui permet de mieux comprendre une partie de l'état d'esprit qui anime les habitants de l'actuelle Espagne.

Hasta luego.

Le monastère de San Juan de la Peña.

Comments

[LOU]

Vu deux fois, et j'y retournerai volontiers.